D’une grande amabilité et d’un professionnalisme sans doute hérité de ses parents (Hippolyte Girardot et Isabel Otero), la pétillante Ana Girardot reconnaît avoir un faible pour les vieux bourgognes. Entretien-dégustation en plein tournage du film très attendu de Klapisch : Le vin et le vent.
De la Bourgogne, elle avait de lointains souvenirs du village d’Aloxe-Corton. Hippolyte, son père, a paraît-il une jolie cave. « De toute façon, reprend Ana, ce qu’il y a de génial dans notre métier, c’est qu’on a l’occasion de découvrir plein de choses en permanence ». La jeune comédienne a donc de qui tenir et de quoi apprendre.
Avec Klapisch (voir notre encadré), elle tourne en ce moment Le Vin et le vent, une tragi-comédie qui met en scène une fraterie confrontée à l’épreuve de la reprise d’un domaine viticole en Côte de Beaune. « Je me suis intéressée aux livres et aux documentaires sur le sujet » confie scolairement l’héroïne de la série culte Les Revenants. Sans doute a-t-elle trouvé dans cette immersion viti-vinicole, une nouvelle façon de pratiquer son art.
L’auberge bourguignonne
Il est vrai que la complicité de la famille de Montille, partagée avec le réalisateur du film, mais aussi du talentueux vigneron comédien de Meursault Jean-Marc Roulot (Les saveurs du Palais, Quai d’Orsay, Diplomatie), favorise l’apprentissage de la Bourgogne. Ce dernier sera d’ailleurs le maître de chai et le lien avec le père décédé de Juliette (alias Ana) et ses frères. Jean, incarné par l’excellent Pio Marmaï (Toute première fois, Nos futurs) est l’ainé. D’une nature extravertie voire rebelle, il revient après avoir coupé les ponts et voyagé un peu partout. Il va donc falloir composer avec le cadet des Vermillard, plus en retrait. « Comme toujours, Cédric part d’un drame qui glisse rapidement vers la comédie », rassure Ana, dont le personnage risque de pimenter certaines scènes : « Juliette sait s’imposer dans un milieu masculin. Elle est restée au domaine, elle est légitime pour le reprendre, mais cela l’angoisse ».
Dans cette « auberge bourguignonne », il y aura donc comme un « air de famille » avec des choses vécues entre nos vignes. Klapisch est il est vrai un observateur inspiré. « Il aime mélanger la fiction et le documentaire », confirme Ana, qui a eu le privilège d’hurler son texte au milieu de vrais vendangeurs médusés : « Quand je me suis mis à les engueuler pour les besoins de la scène, certains, non prévenus, se sont demandé qui j’étais pour leur parler ainsi ! »
Ana ou Juliette ?
Elle a donc goûté le raisin de la Bourgogne et participé, ban bourguignon compris, à la Paulée. « Je préfère les vieux bourgognes », martèle la jolie Ana, qui va donner beaucoup de fraîcheur au regard porté sur notre bonne vieille terre viticole. Avec un constat qui casse bien des idées reçues : « Je sais qu’il y a de grandes dames ici (ndlr : dont la regrettée Anne-Claude Leflaive nous confiera Klapisch) qui ont fait bouger les vignes et je n’ai pas vu de machisme dans mes rencontres ».
Le vin et le vent ayant pour vocation de boucler son histoire d’une vendange à une autre, Ana Girardot aura bien des occasions de s’assembler intellectuellement avec Juliette Vermillard. Peut-être que cette démarche fusionnelle ira-t-elle jusqu’à un tête-à-tête imaginaire entre les deux autour d’un grand cru. Après tout, le cinéma n’est-il pas là pour nous faire perdre, pour la bonne cause, le sens des réalités ?
Les 4 saisons de Klapisch
Certains d’entre nous ont brûlé des cierges dans l’espoir que Le vin et le vent sera enfin le film que la Bourgogne mérite. L’expérience de Premiers crus a déjà refroidi les puristes, malgré la présence du bougon Gérard Lanvin.
Il a été bien difficile aussi de trouver une forme de réconfort dans le presque ridicule épisode bourguignon du Sang de la vigne. A se demander comment Pierre Arditi, pourtant si grand connaisseur de vins, a pu se fourvoyer ainsi. Klapisch, à en croire Ana Girardot, est un documentariste qui fait de la fiction. Ou un cinéaste qui fait parfois dans le documentaire. Il emprunte au monde réel sa dureté tout en y glissant un savant dosage de son humour grinçant. Cette signature si particulière du beau cinéma français, il serait bon de la retrouver dans ce long métrage qui, promet le réalisateur, va nous faire voyager à travers les 4 saisons du vignoble.