Plus de 50 000 Françaises apprennent leur maladie chaque année et moins de 10% sont diagnostiquées avant 40 ans. Aurélie Sohn, la petite trentaine, a fait partie du lot. Cette artiste a choisi d’affronter le cancer du sein par le dessin. Deux ans plus tard, l’aventure de « Lili » est devenue une trilogie de BD et son cancer un mauvais souvenir. Invitée à Dijon par la société française de sérologie et pathologie mammaire, la pétillante auteure se raconte.
Le dessin et les livres ont presque toujours nourri le quotidien de celle qui se fait appeler Lili. « Ma mère était bénévole dans une bibliothèque, je l’accompagnais souvent. Plus tard, j’ai été très entourée de gens créatifs, des passionnés de bandes dessinées », explique la miss, cheveux courts et sourire large. Alors, ni une ni deux, lorsque le médecin lui annonce qu’elle a un cancer du sein à 29 ans, Lili prend son crayon. Simplement pour « dédramatiser la situation et donner un peu de gaité à ce qui ne l’est pas ». Sur son blog Tchao Günther, elle dit avec malice vouloir « transformer le caca en paillettes» et refuser qu’on la regarde « avec des yeux de petits chats pleins de pitié ».
L’idée de surnommer sa tumeur Günther lui est venue du monde du cirque, où les ordres sont souvent donnés en allemand car plus directifs. « J’imaginais à quoi elle pouvait ressembler. Je la voyais petite, dodue et verte, méchante malgré elle.»
TEUTON ET TÉTONS
En temps de guerre contre le teuton et les tétons, Lili a donc tout dit de ses craintes, de ses incompréhensions et de cet univers médical qui lui est tombé dessus. Elle l’a aussi fait pour que ses proches comprennent ce qu’elle traversait et contourner «le pire moment, celui de l’annonce du cancer, où l’on se rend compte qu’on est mortelle ». Le trait de la jeune femme a finalement très vite séduit un autre public a fait germer une BD en trois tomes, dont le dernier est sorti en octobre chez Michel Lafon. « Je l’ai d’abord fait pour mieux accepter la situation, mais je suis contente que ça ait pu servir à d’autres », pose modestement l’Alsacienne qui a emmené dans son sillage d’autres femmes et même, très exceptionnellement, quelques hommes touchés par la maladie.
Au bout du chemin, Lili a surtout réussi à vaincre Günther, au prix de l’ablation puis de la reconstruction de sa poitrine et d’une bonne prise de recul : «Je me suis interrogée sur ma féminité, mais je me suis rendue compte que ça ne se résume pas à des seins, un vagin ou un utérus.» Et de casser tout net le fantasme de la maladie heureuse : «Il n’y a pas de meilleure façon de vivre sa maladie, il ne faut pas se forcer à être positive. Par contre, il ne faut pas hésiter à profiter de l’amour et des bonnes intentions qu’on vous adresse dans ces moments.» Parce que le cancer est définitivement derrière elle, Lili Sohn vient de se lancer un nouveau défi : une plateforme en ligne sobrement intitulée Vagin Tonic, où elle propose un «guide décontracté de l’anatomie féminine ». Aussi drôle et pertinent, il ouvre une porte vers la connaissance ludique du corps. Et ferme le chapitre d’une histoire qui a assez duré. Tchao Günther !