On a toutes dans notre entourage un(e) toxique qui n’arrange pas notre humeur, déjà mise à mal par le manque de vitamine D et le stress des fêtes qui approchent. Petit tour de piste en quelques portraits que vous reconnaîtrez peut-être…
Par Ninon Niwi
illustrations : Aurélie Magnan
Hibernatus
Depuis le changement d’heure, elle n’existe plus. La nuit tombe à 16h30, ça perturbe son horloge interne. La journée terminée, elle se traîne chez elle, se jette dans son pyjama en pilou et résiste à la tentation de rattraper immédiatement son retard sur Downton Abbey et Le Bureau des Légendes (bénis soient Netflix et les offre hivernales de son opérateur). Mère de famille, elle est tentée de mettre de la valériane dans les coquillettes de ses enfants, qu’elle incite à faire leurs devoirs par magie et à revenir de l’école par l’opération du Saint-Esprit, pendant qu’elle dévore sa tablette de chocolat pas du tout à 70 % de cacao (trop sain).
Son pendant masculin est à peu près dans le même état, sauf que lui, ce serait plutôt sports de ballon, Walking Dead et orgie de sauciflard. S’ils sortent, ils baillent à 21h15 et déclarent que leur chat – qui hiberne aussi – est malade pour se défiler, quand ils ne s’endorment pas, sous le regard consterné ou hilare de leurs potes qui gardent les photos dans leurs dossiers « pour plus tard ». Ce genre d’épisodes permet à ces heureux personnages de décourager toute tentative de socialisation, et de lézarder dans leur caverne jusqu’aux beaux jours, profitant des avantages de la vie moderne procurés par la livraison à domicile et le multi-écrans. Au printemps, ils réapparaîtront comme des fleurs et fatigueront tout le monde avec leurs barbecues dans le jardin ou leurs balades en vélo au bord du canal de Bourgogne… mais on les aime quand même !
La reine des neiges
Elle est pimpante, elle adore le froid. Elle maudit le réchauffement climatique. Elle a reçu depuis longtemps la tenue Gore-Tex « animal friendly » qui la sublimera dans les chemins, le cou bien au chaud dans son snood en cachemire récolté par des bergers qui font des bisous à leurs chèvres avant de les épiler. Elle n’a pas renoncé à la chapka en renard : elle l’a récupérée à la mort de sa grand-mère et autant que cette pauvre bête ne soit pas morte en vain. Elle se badigeonne de crème pour le corps aux hydroflavones issus des vignobles de la Côte de Beaune – elle est locavore. Quel que soit le temps, elle te propose un « petit jogging » (elle envisage de préparer un marathon) ou une « petite rando ». Elle t’amène vers Autun, à l’entrée du Morvan – là où tu commences à être malade en voiture -, ou à l’étranger, dans le Jura, là où les sous-bois blanchis lui rappellent Le monde de Narnia.
Toi, dès que commences à voir trop de sapins, la peur de rencontrer un ours ou un psychopathe t’étreint, mais tu n’es pas contre le fait de te réconforter avec une bonne tartiflette… Ce n’est pas toujours gagné (elle a un appétit d’oiseau) et « ce n’est pas parce qu’on s’emmitoufle qu’il faut ressembler à une bonbonne », dit-elle en observant les plis de ta doudoune au niveau du popotin. Cet été, elle ira en Islande. Tu admireras les photos.
La station météo
Il fait froid. Il neige. Il pleut. C’est l’hiver. C’est déjà la nuit. Y’a du soleil. Ils le disent, ils le répètent. L’avantage, c’est que ce sont des sources fiables, qui abreuvent leurs fils de réseaux sociaux avec ce type d’information capitale et très localisée. Si la France entière sait qu’il neige une fois l’an à Paris, en Bourgogne, nous avons aussi nos sources qui font leurs gorges chaudes des orages ou de la pleine lune. Dans la vie, c’est la même chose : « Y’a plus d’saison, t’as vu le temps ? Il a plu hier, ça grêle », agrémentent la bande-son des transports en commun et des pauses-café.
Si on ne les a pas trucidées avant, les « stations météos » continueront leur travail de sape à la belle saison. Vive la canicule qui tue les anciens, la pluie qui transperce, le manque de soleil qui déprime ou le temps qu’il fait ailleurs et qui rend envieux.
Pour lutter, je conseille de lancer un lobby « joli temps pourri » en inondant le monde de photos de rayons de soleil entre deux nuages ou de reflets dans les flaques. La météo positive, ça conserve : vous avez vu comme elle est belle, Evelyne Dhéliat ?
L’hirondelle
Détendue, discrètement hâlée, détachée, l’hirondelle ne s’énerve jamais, elle est indifférente à la pluie. Elle l’aime, même, elle a besoin de voir le temps changer. Elle tient des échoppes ouvertes plus longtemps que les autres sur nos sites touristiques, fait les marchés, les extras, la cuisine, bosse sur des festivals ou profite de la retraite pour chouchouter son jardin et sa maison. Elle arrive en avril, pour la saison, et repart avec ses copines noires et blanches en octobre. Elle l’aura mérité, on l’admire d’avoir su mettre en place un tel projet de vie, en plus ça nous fait des points de chute au soleil si on se permet enfin de voyager en hiver. Nous, on restera sur place, soumis aux aléas climatiques, en ricanant sardoniquement quand il y aura une alerte cyclone de l’autre côté de la planète, ce qui n’est pas très gentil, mais ça soulage…