Avec leur bar-brasserie responsable Le Trinidad, les deux frères Thibault et Kaveh Jahanshahi ont inventé le lieu emblématique de la vie festive dijonnaise.
Par Olivia de Lestrange
Photo : Jonas Jacquel
Les villes sont comme des géants allongés, quadrillés d’artères et de veines, les rues où nous nous promenons, petits globules en quête d’un bol d’oxygène. Dijon n’échappe pas à l’image. Il suffit de descendre la rue de la Liberté, ce vaisseau reliant la place Darcy et son square, poumon de la ville, à la place du Bareuzai, son coeur, et à la place du Théâtre, ses reins, pour se sentir vivant. Parce depuis quelques années, Dijon s’anime à nouveau autour de son théâtre et du Trinidad. Thibault et Kaveh Jahanshahi, commerçants saltimbanques d’un nouveau genre, ont pris possession du lieu et ont redonné vie à ce bel endroit chargé d’histoire.
Bar-brasserie engagé
Kaveh, nous l’avions croisé barman au Comptoir des Colonies. Thibault, son frère, nous l’avions connu sur les bancs de la faculté de médecine, qu’il quitta pour mener une autre vie, avant de reprendre tout récemment ses études. Durant quelques années, son bar à tapas El Berro anima la rue du Bourg et le Centre Dauphine, avant que le Trinidad ne s’amarre au pied de l’ancienne église Saint Etienne reconvertie en Bibliothèque municipale.
Bar-brasserie engagé, le Trinidad de Thibault et Kaveh fait travailler des producteurs locaux, bannit l’huile de palme, améliore sa carte de mois en mois. Les gourmands ne s’y trompent pas.
Toutes générations
Ici, toutes les générations se croisent et se mélangent. On a vu des quadras en tailleur danser sur les chaises à un concert de reggae, un DJ animer des karaokés d’enfer et des clients mater Nosferatu, un film muet en noir et blanc, projeté sur le mur à côté du piano à l’initiative d’une barmaid cinéphile de l’équipe.
Autre époque, autres lieux de vie. Les quinquas se souviennent de l’Ambassy, du Pick Up, du Lion, du Relax Bar. Ils n’ont rien oublié de leurs émois estudiantins, des rencards, des râteaux, de barres de rire… Les années ont passé. Les lieux ont disparu, pas les souvenirs.
Désormais, le Trinidad est le repère de la génération actuelle d’étudiants, le point de rendez-vous de leur jeunesse, celui où ils passeront des heures, en terrasse ou pas, devant un café, un soda ou un burger vegan en refaisant le monde.
Leurs parents fumaient dans les bars, eux mangent bio et sirotent tranquilles des bières et des limonades artisanales.
Et dans le bois des tables du Trinidad, ils gravent à leur tour leurs propres mémoires.