Être Queer, c’est un état d’esprit, une façon de concevoir la société au-delà des normes de genre, en réaction à un système hétéronormé. À Dijon, le collectif Gang Reine interroge sur l’identité de chacun∙e et sur le regard d’une société formatée.
Par Julie Letourneur
Photos : Cédric Barbe
(remerciements à Adrien Fricotin)
Bizarre, tordu∙e. D’abord insulte, le mot« queer » est devenu un ralliement pour celles et ceux qu’il visait. Assumer sa différence, affronter le regard des autres quand on se sent en dehors du moule n’est pas toujours évident. Les membres de Gang Reine affichent leur souhait de sortir de la norme grâce au mouvement Queer. « Il ne faut pas confondre être queer, drag queen ni même homosexuel∙le. Le drag est un personnage de scène au même titre qu’un mime, tandis que l’homosexualité est une orientation sexuelle. Être queer, c’est une volonté de détruire les diktats de genre, de sexualité. » Nicolas, Lucas, Mathilde et Ferdinand veulent évoluer en dehors des stéréotypes de féminité ou de masculinité. À leur façon, elles et ils s’opposent à ce qu’elles et ils jugent être un système normé, oppressif et aliénant pour celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans le schéma binaire. « Être queer, c’est une version moderne d’un combat pour l’égalité comme peut l’être le féminisme. » À travers l’association Gang Reine, les quatre jeunes, tout comme la trentaine de membres du collectif, se sont trouvé une communauté qui les aide à assumer leurs différences. Alors que la société attend d’un homme, ou d’une femme, qu’il ou elle réponde à certains critères, le mouvement queer s’oppose à cette idéologie, encourageant chacun∙e à s’épanouir dans l’identité qui lui convient. « On nous apprend que notre identité dépend de notre genre et qu’elle ne peut pas changer. Nous voulons casser cette limite parce que plusieurs facettes peuvent s’exprimer en chacun∙e de nous. »
Si être queer se traduit au quotidien dans sa façon d’être, visible ou non, Nicolas, Lucas, Mathilde et Ferdinand n’hésitent pas à afficher leur différence par rapport aux normes de la société en devenant Sissy Felice, Oxy Moron, Idem ou encore Pursy Medicis, leurs versants drag. « Comme certain∙e∙s choisissent de faire du théâtre, nous avons été attiré∙es par la pratique drag, qui nous permet d’exprimer nos identités, en écho à nos revendications. »
Maquillé.e pour s’affirmer
Maquillé∙e∙s, sur leurs hauts talons, certain∙e∙s membres de Gang Reine transforment leur apparence pour faire le show. Pour autant, tou∙te∙s ne sont pas drag queens.
« Il y a aussi les drag kings ou encore les club kids, des créatures artistiques, et d’autres encore. Il n’y a pas de règles mais une multiplicité d’univers. » La tendance revival du mouvement remet le drag sur le devant de la scène. Pour autant, la société n’accepte pas toujours aisément ces personnages hauts en couleur, encore trop atypiques. Quand elles et ils sortent sous les traits de leurs personnages, les jeunes gens préfèrent le faire en groupe. « Le collectif nous donne un sentiment de sécurité. Seul∙e, on sait que l’on est confronté∙e à un risque potentiel d’agression, verbale ou physique. » Le regard des autres a ainsi pu être particulièrement pesant pour ces personnalités revendiquées. Oxy Moron se souvient des premières fois où il allait acheter ses collants ou du maquillage. « Dans les rayons pour femme, je sentais les regards sur moi, parfois choqués, parfois menaçants. On se sent exclu. Mais depuis que j’évolue dans le mouvement Queer, je ne m’en soucie plus. » Rencontrer des gens comme lui a permis au jeune homme, comme aux autres membres de l’association, de se sentir compris et accepté. « Le moment où on se libère, c’est quand on comprend que c’est l’autre qui est alliéné∙e par ses codes et qu’elle ou il a du mal à repousser ses limites. »
Rendez-vous les 14 et 15 juin
Pour découvrir l’univers des drags et mieux appréhender le mouvement queer et ses valeurs, l’association Gang Reine invite le public à participer au deuxième opus de sa soirée Tanne ton Queer, les 14 et 15 juin prochain aux Tanneries à Dijon. Entre exposition, ateliers, DJ set et piste de danse enflammée, chacun∙e aura l’opportunité de dépasser les apparences et les préjugés.