J’irai où tu iras, c’est le dernier film réalisé par Géraldine Nakache, sorti le 2 octobre, avec Leïla Bekhti, Géraldine Nakache elle-même et Patrick Timsit. À la faveur de l’avant-première au cinéma Cap Vert à Quetigny, rencontre avec la réalisatrice et Patrick Timsit. Tous trois (avec Leïla Bekhti) jouent les rôles père/filles dans ce film qui prend aux tripes.
Propos recueillis par Déborah Levy
Photo : Christophe Remondière
Femmes en Bourgogne. « Lutter contre le cancer, c’est lutter contre le mauvais sang ». Cette phrase couperet arrive par deux fois dès le début de votre film. D’où vous est venue cette réflexion ?
Géraldine Nakache. J’ai entendu cette phrase, comme tout ce qui est dans ce film d’ailleurs. Je m’inspire de mon vécu, de ce qui arrive à mes oreilles, dans une conversation entre amis, dans un café… Je garde pleins de choses dans un coin de ma tête, dans mon cœur… Les mots résonnent longtemps en moi avant que je ne m’en serve. Ce film, j’ai mis trois ans à l’écrire puis à le réaliser… C’est le temps que l’on doit consacrer à une telle aventure.
Est-ce qu’il faut être proche de son propre père pour réaliser un tel film ?
Si j’avais écrit un film sur mon histoire, il n’aurait intéressé que mon père et mes cousins. J’ai eu la chance de baigner dans un profond amour de mes parents et c’est une chance immense. On m’a donné, donné, remplie de valeurs et d’affection… Je pense que tout cela est très fondateur et m’a nourri dans l’écriture plus globalement…
La pudeur est un sentiment très fort dans ce film. Pudique, l’êtes-vous dans la vie aussi ?
C’est tout à fait cela. J’ai été élevée dans la pudeur. Ce trait de caractère est un pilier qui me correspond parfaitement. Parfois cela en est même encombrant pour communiquer avec ma famille, mais c’est aussi notre façon de communiquer entre nous. Je ne dis jamais les choses de façon frontale par exemple.
Est-ce que le film vous permet d’adresser des messages à votre père ? À votre famille ?
Bien sûr le film est exutoire, thérapeutique et comporte des tas de messages à destination de mes proches mais c’est avant tout à moi qui je m’adresse. Tel un mantra… Et ce plaisir que j’ai d’aller à la rencontre du public ensuite est formidable. La promotion, c’est le seul moment où l’on voit les gens !
Patrick Timsit : « Il y a beaucoup d’amour dans ce film »
Femmes en Bourgogne. Après la pièce de théâtre Le Livre de ma mère d’Albert Cohen où vous étiez seul sur scène à interpréter ce très beau texte, vous parlez encore ici de la famille au sens plus large. Est-ce un hasard ?
Patrick Timsit. Oui c’est un hasard. Quand Géraldine m’a présenté le film, je vivais moi-même un épisode de maladie douloureux dans ma propre famille, et c’est vrai que cela m’a profondément touché de lire ce scénario. Donc, non, je n’ai pas de plan de carrière. En revanche, oui, j’avais très envie de faire partie de cette aventure d’autant que j’aime toute cette sensibilité dans le film. On rit, on pleure, on est dans la vraie vie !
Que diriez-vous de ce père ?
Qu’il aime ses deux filles d’un amour inconditionnel, énorme. Il y a beaucoup d’amour dans ce film… Vous savez c’est comme quand une maman accouche de son deuxième enfant et qu’elle se demande comment elle va faire pour aimer autant son nouveau-né. Mais qu’est-ce que le cœur ? Il s’ouvre à l’infini pour ses enfants…
La fin du film, les gâteaux nantais, les mots qui sonnent, j’avais l’impression que vous chantiez en yiddish…
C’est une pure référence de votre part. Les personnages étant très chargés peuvent parler à tout le monde ; cela pourrait autant parler à un Africain qu’à un Scandinave. Chacun a sa madeleine de Proust. C’est tellement important d’être en totale paix avec sa famille. Le père s’est mis une telle charge sur les épaules ! En tout cas j’ai adoré me charger de tout l’univers de la réalisatrice… On s’est beaucoup amusé aussi. C’était un immense plaisir.
Que diriez-vous de l’accueil du public ?
Les retours sont formidables ! Ce qui est drôle, c’est de voir que les salles sont pleines et remplies à 80 % de femmes ! Étonnant que cette comédie d’auteure touche autant les femmes !