Laëtitia Deniau est soudeuse au sein de l’usine Framatome de Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône. Un métier dur et exigeant, où les femmes sont encore rares. Mais il en aurait fallu bien davantage pour dissuader cette passionnée de persévérer et de gagner sa place dans un univers masculin.
Par Patrice Bouillot
Photos : Jonas Jacquel
Ici exerce l’élite de la soudure. Une armée de 80 soudeurs, dont cinq femmes et bientôt six, assemble les pièces et les éléments qui composent le cœur des centrales nucléaires – cuves et générateurs de vapeur. Des composants gigantesques auprès desquels Laëtitia Deniau, du haut de son mètre quatre-vingt, paraît toute petite. Chez Framatome, à Saint-Marcel, on ne plaisante ni avec la sécurité ni avec la qualité. Chaque pièce passe au crible d’une série de contrôles draconiens – ici des générateurs sont prêts à embarquer sur la Saône pour un réacteur français, là se préparent les cuves des deux réacteurs EPR d’Hinkley Point C, en Angleterre. Dans cet univers d’acier et de feu, dans les travées de ce gigantesque bâtiment de plus de 40 000 mètres carrés, Laëtitia Deniau enfile sa combinaison intégrale. Il lui faut, selon un protocole à respecter à la lettre, souder, meuler, couvrir d’un alliage spécial des pièces de métal chauffées jusqu’à en devenir malléables. La température – plus de 60 degrés – et les positions qu’il faut adopter parfois rendent le travail pénible et exigent une pause toutes les 30 minutes. Mais pour rien au monde elle n’abandonnerait ce métier qu’elle aime. Laëtitia Deniau est soudeuse et en est fière, tout comme elle est fière de travailler pour Framatome, filiale du groupe EDF, spécialiste de la chaudronnerie nucléaire.
Un métier coup de coeur
« À chaque fois que j’ai obtenu un emploi, j’ai dû prouver que j’étais capable de faire aussi bien que les hommes ».
La Creusotine avait débuté sa vie professionnelle dans une tout autre voie. Après un bac pro hôtellerie, elle avait travaillé, de l’âge de 16 ans jusqu’à ses 23 ans, dans des restaurants – dans sa ville natale et aussi en saison à Chamonix. Mais le rythme de travail était difficilement compatible avec sa vie personnelle. Elle se tourne vers l’industrie, presque naturellement car, dans sa famille, tout le monde travaille dans ce secteur. La Mission locale l’envoie pendant une semaine en immersion dans un atelier d’Alstom. Et là c’est le coup de cœur pour le métier de soudeur. « J’ai tout de suite aimé la chaleur, le côté apaisant, le fait de travailler seule au contact du métal, l’acte consistant à faire naître une pièce, le geste, la minutie dont il faut faire preuve… » Formée à l’Afpa à Montceau-les-Mines, Laëtitia Deniau fait ses premières armes dans une PME de Toulon-sur-Arroux, une année d’alternance pour décrocher son certificat de qualification professionnelle (CQPM). Les expériences s’enchaînent, dans des grosses entreprises et chez un artisan de Givry. Mais en novembre 2017, elle répond à une offre d’emploi de Framatome, qui la fait passer pendant cinq mois par son centre de formation interne où elle obtient deux qualifications. Pratiquant le soudage semi-automatique et le soudage manuel, Laëtitia Deniau n’entendait pas en rester là et a récemment obtenu quatre autres qualifications pour diversifier sa pratique et être agréée pour le soudage automatique. Elle garde cependant toujours une affection pour le soudage manuel qu’elle apprit à ses débuts, celui qui nécessite, en maniant