On ne pourra jamais lui enlever l’amour indéfectible qu’elle porte à sa ville. Nadjoua Belhadef, adjointe au commerce et à l’artisanat à la mairie de Dijon et vice-Présidente de la Métropole, prône une proximité et un optimisme sans faille. Portrait.
En préambule de l’entretien, Nadjoua Belhadef préfère prévenir : “Je suis vraiment très bavarde, ça risque de durer des heures, surtout quand il s’agit de parler de ma ville et de ma vie”. Ça tombe bien, on a tout notre temps. Le rendez-vous est donné au Café Gourmand. Un endroit qu’elle connaît bien, vue imprenable sur l’incontournable hémicycle de la place de la Lib et sur le palais. “Jamais bien loin de la maison”, sourit l’élue en charge du commerce et de l’artisanat. En se remémorant les souvenirs d’un parcours déjà bien fourni, la jeune femme peine à dissimuler une certaine fierté dans son sourire. Issue d’une famille modeste, fratrie de huit enfants, parents émigrés d’Algérie installés à Quetigny, elle nous explique que sa mère se rêvait institutrice, mais avait dû, à son grand dam, arrêter l’école à 16 ans. “C’est sûrement pour ça que nos parents accordaient une place aussi importante à notre scolarité. Ma mère nous a vraiment accompagnés pour que nous fassions des études. Elle disait toujours : “Les diplômes, c’est à toi, et ça, personne ne pourra te les enlever”. C’est grâce à elle que j’ai un esprit aussi combatif aujourd’hui, et c’est aussi grâce à mon père dont je suis extrêmement proche, qui a été très présent et m’a toujours donné de bons conseils.” Parcours exemplaire même si, consciente d’une égalité des chances encore illusoire, elle est pourtant l’une de ces multiples exceptions qui défient le déterminisme social. Licence de droit, maîtrise en sciences criminelles, Master 1 carrières judiciaires et sciences criminelles, Master 2 en droit processuel spécialisé en procédure pénale : tout la prédestinait à une carrière d’avocate de la défense. Le destin en a pourtant décidé autrement.
Trouver sa “voix”
À mesure que la conversation avance, on se rend compte qu’elle n’avait pas tort. La fluidité souriante de son débit rend la prise de notes plutôt complexe. Alors on lâche le stylo, on fait confiance au dictaphone et on se permet quelques digressions pour sortir des sentiers battus d’un entretien conventionnel. On apprend alors qu’en parallèle de ses études, Nadjoua nourrit depuis toujours une passion pour le chant. “Sa bulle d’oxygène”, “son refuge”, explique-t-elle. Pendant ses années estudiantines, elle met en scène sa propre comédie musicale, monte à Paris, enchaîne les castings, gagne un passage en radio nationale avec une chanson de Norah Jonas, est repérée par la productrice Claire Severac… “J’ai même eu la chance d’enregistrer avec Cyril Assous, qui a quand même écrit pour Johnny Halliday.” Même durant son stage de master 2, dans le cabinet d’avocats Majnoni-Billard-Buhagiar-Jeanniard, elle continue à se produire. Son adresse incontournable de l’époque : le Cintra Café, avenue Foch. Un lieu tenu par un certain Gérard Dupire, à ce moment-là adjoint au maire. Au détour d’une conversation avec lui, la politique arrive sur le tapis. “On était en 2007, je venais tout juste de prendre ma carte au Parti socialiste et j’avais cette envie de m’impliquer pour cette ville que j’aimais tant. C’est là que Gerard Dupire me propose de rencontrer François Rebsamen.” Quand on la lance sur sa rencontre avec celui qui deviendra quelques années plus tard ministre du Travail, la jeune femme ne se contente pas de raconter la scène. Elle la rejoue. Devant nous, elle affiche le même sourire et les mêmes yeux écarquillés qu’en 2007, lors de ce court rendez-vous de 25 minutes. Elle se souvient lui avoir présenté un mémoire de 70 pages sur la jurisprudence des élections municipales, lui avoir parlé de sa passion pour le chant, mais surtout de sa volonté d’être candidate sur sa liste en 2008. Il apprécie son franc-parler et son culot. Six mois plus tard, elle obtient une proposition, non pas pour les municipales, mais bien pour être sa collaboratrice. Un beau signe du destin pour celle qui, dès ses 13 ans, assistait au conseil municipal de Quetigny, par simple curiosité.
“Mon ambition pourrait se résumer simplement ainsi : rendre les Dijonnais fiers de leur ville.”
Optimisme contagieux
La nouvelle cheffe de cabinet découvre un nouveau monde aux côtés de celui qu’elle appelle son “mentor”. Un apprentissage sur le tas. “Je n’avais que 26 ans, j’étais impressionnée de travailler à ses côtés, et même timide au départ. Puis il y a un basculement le jour où j’ai commencé à l’accompagner pendant ses déplacements. Être sur le terrain avec les acteurs économiques de la vie dijonnaise m’a beaucoup appris sur la façon d’aborder les gens, de les écouter, de trouver des solutions.” Après 12 ans de travail dans l’ombre, elle passe sur le devant de la scène politique en 2020 avec une délégation au commerce et à l’artisanat. Un portefeuille comme une évidence tant elle a réussi à tisser des liens avec les entreprises et les fédérations de commerçants. Cette proximité, Nadjoua met un point d’honneur à la faire perdurer. “François Rebsamen a tout de suite senti cette accointance et cette volonté de ma part d’accompagner le secteur économique. Dans mon mandat, je voulais rappeler que, si le cœur de ville est notre vitrine, le commerce, lui, vit dans les neuf quartiers de Dijon. Il y a un point du programme municipal qui m’est cher, c’est le développement du commerce de proximité. Ces commerces ont un rôle fondamental de lien social avec les habitants. Au mois de février, j’entame un cycle dans ces neuf quartiers pour rencontrer les différents commerçants. Auparavant, nous avons été les premiers en France à mettre en place un guichet unique des commerçants, pour pouvoir répondre à leurs questions. Nous sommes aux côtés du monde économique comme nous l’avons été pendant la crise sanitaire avec la mise en place du FREM (Fonds de relance économique métropolitain) qui a permis d’octroyer 2,5 M€ d’aides directes, non remboursables pour les entreprises, commerçants et artisans de la métropole. Et comme nous l’avons fait encore dernièrement avec l’aide exceptionnelle de 15 000 euros faite à la Chambre des métiers et de l’artisanat de Bourgogne Franche-Comté pour soutenir les artisans boulangers particulièrement touchés par la crise énergétique. Outre la gestion de 3 000 cellules commerciales, notre objectif est aussi dans la prospective en faisant venir des enseignes, car ce sont elles qui assurent le flux. Je pense que nous pouvons créer des chaînes vertueuses de développement commercial.” Depuis 2007, Nadjoua a eu le temps de voir évoluer sa ville. Pour elle, “tout cela relève de la vision d’un homme”. Du Zénith à la Cité internationale de la gastronomie et du vin en passant par la piscine olympique, le tram, la piétonnisation… bientôt le centre Dauphine, qu’elle attend avec impatience. “Comme je vous le disais, je pourrais continuer pendant des heures. Mais finalement, mon travail et mon ambition pourraient se résumer simplement ainsi : rendre les Dijonnais fiers de leur ville !” Beau fil conducteur.
“Être sur le terrain avec les acteurs économiques de la vie dijonnaise m’a beaucoup appris”.