11h30, un beau jeudi d’octobre, on passe un coup de fil. Dans sa cuisine, aux fourneaux, Yves Jamait décroche. On a bien sûr parlé de son nouvel album live et de son prochain concert le 30 novembre au Zénith de Dijon, mais on lui a surtout demandé de nous parler des femmes de sa vie, et des hommes, tout court.
Par Olivier Mouchiquel
Photo : Stéphane Lavoué
Si une chanson résume l’amour qu’Yves Jamait porte aux femmes, c’est bien Celles. « Je l’ai dédiée à ma femme, à ma sœur, à mes filles et à ma mère. Et plus généralement aux femmes pour ce que
les hommes peuvent leur faire subir. On vit dans une société patriarcale et c’est bien dommage. Je n’ai pas connu mon père, ma mère et ma marraine m’ont élevé, j’étais entouré de ma grand-mère, de mes tantes. Les femmes m’ont entouré, je n’ai pas attendu MeToo pour être indigné de ce qu’elles pouvaient subir et supporter. Cette chanson vient de là. »
« J’espère ne pas être uniquement le gros pourri qu’on dépeint : les mecs ont leurs défauts, les femmes aussi. »
L’homme qu’il est devenu, Yves le doit aux femmes. « Je n’ai pas d’exemple masculin, tout ce que je suis, de bien ou de mauvais, je le leur dois directement ou indirectement. L’homme n’est pas parfait mais je ne crois pas plus à la perfection féminine. Différentes de nous, les femmes ne méritent pas d’être traitées différemment face aux lois ou à un revenu. En faire une perfection, c’est romantique mais c’est uniquement un aveuglement amoureux ou maternel. Je ne pense pas que les femmes soient meilleures que l’homme, ni l’homme que la femme. On trouve aussi chez elles la bêtise, la fatuité… Tout ce qu’on peut avoir l’homme existe aussi chez la femme. Je ne veux pas l’idéaliser, l’homme aussi fait des choses très bien. J’espère ne pas être uniquement le gros pourri qu’on dépeint : les mecs ont leurs défauts, les femmes aussi. Le masculin n’est-il pas défini par la société ? On est trompé par ça. »
« Je suis complètement pessimiste, je ne crois pas une seule seconde que l’homme va se sortir de ce qu’il met en place. »
Yves Jamait n’est pas là où on l’attend, sa pensée jamais manichéenne n’oppose pas les hommes et les femmes. « Chaque fois qu’il y a de la misère, ceux qui prennent le plus sont les plus faibles. Il existe les pauvres et les riches plutôt que les femmes et les hommes. Et c’est discutable. Certains profitent des gens fragiles pour les piétiner et les manipuler. C’est très complexe. » À voir l’énergie qu’il déploie sur scène, on pourrait le croire optimiste. Il n’en est rien. « Je suis complètement pessimiste, je ne crois pas une seule seconde que l’homme va se sortir de ce qu’il met en place. On peut tenter d’apaiser avec des pansements mais on ne guérira pas. » L’art et la musique n’y peuvent rien, ce ne sont que des exutoires accompagnant modes et envies. Si les chansons faisaient évoluer les sociétés, « avec des chanteurs comme Renaud le racisme serait passé aux oubliettes ». On en est loin. Yves apporte sa modeste petite touche mais « derrière le patriarcat, on trouve la religion, le besoin de domination de l’homme sur les femmes. Petit à petit les choses changent, des lois se font. Ce sont les mentalités qui sont à changer. Ça va être très, très long… » Heureusement, Yves compose toujours. « Je suis très pris par la vie domestique, je suis un papa et un mari à la maison. Je m’aperçois que ça m’empêche un peu de penser alors je me suis isolé pour avancer dans l’écriture de chansons, mais j’écris toujours un peu partout, je n’arrête jamais. En vérité, je n’ai jamais fait qu’une seule tournée, et elle a commencé en 2001. »
En concert au Zénith de Dijon, samedi 30 novembre à 20h.
Nouvel album : Mon totem (Wagram)