Les agressions sexuelles, ça n’arrive pas qu’aux autres. Nathalie en a fait la triste expérience. Ses proches disent facilement d’elle qu’elle est une femme de caractère, qui sait s’affirmer. Pourtant, la mauvaise rencontre est arrivée car le prédateur sait se cacher aussi sous des airs charmants. Après le drame, il faut se reconstruire et avancer, à condition de trouver les bons appuis.
Par Julie Letourneur
Nathalie n’a plus honte de ce qui lui est arrivé. Elle a dépassé ce stade et s’accepte aujourd’hui comme une victime de viol. « J’en parle aux femmes autour de moi, pour qu’elles soient prudentes. Ce qui m’inquiète, c’est de voir que plusieurs femmes que je connais bien ont vécu des expériences difficiles. » Beaunoise, la quarantaine dynamique, elle préfère rester anonyme et garde un sourire de façade pour raconter. « On s’est rencontrés en ligne, on a passé des semaines à discuter. Le virtuel aidant, on s’est rapprochés. Un soir de juillet 2017 où je n’avais pas le moral, il m’a proposé de passer me voir, “en tout bien tout honneur”. »
Confiante, Nathalie a ouvert sa porte à son agresseur. Les discussions et la proximité ont créé un climat propice à un rapprochement physique. « En fait, il ne m’attirait pas mais il se montrait insistant. J’ai dit non à plusieurs reprises, l’encourageant à cesser ses gestes. Il a continué, expliquant qu’il en avait trop envie. J’ai fini par céder, sans envie, pour être tranquille et pour ma sécurité. » Le lendemain, en racontant la soirée désastreuse à une amie, la jeune femme prend conscience de la dimension de viol. « Il n’y a pas besoin de violences physiques pour être victime. Je n’avais pas donné mon consentement. » Bouleversée, Nathalie va chez le médecin sur les conseils de son amie. Puis direction les urgences, pour effectuer les prélèvements qui pourront servir en cas de plainte. « C’était un moment très gênant mais le médecin légiste qui m’a examinée a fait preuve de beaucoup de tact et de bienveillance. Il m’a rassurée. Je lui ai tout raconté et il m’a confirmé que c’était bien un viol. Je me suis vue comme une victime mais je ne me sentais pas seule. La présence d’une amie proche m’a aidée à faire face à cette étape. » Encourageant les victimes à s’entourer de gens de confiance, Nathalie s’est pourtant d’abord sentie coupable en racontant son histoire, et responsable d’avoir ouvert sa porte à un inconnu. Désormais elle doit associer le mot « viol » à son parcours de vie. Plus sûre d’elle, elle sait qu’une femme, comme un homme, a le droit de dire non à n’importe quel moment, sans se sentir obligée de faire plaisir à l’autre. « Le consentement mutuel, ce n’est vraiment pas compliqué : il faut que les deux partenaires en aient envie et le disent ! Sinon, c’est un viol ! »
Vous portiez quoi ?
Entourée par ses amies, Nathalie a toutefois eu du mal à dépasser ce qu’elle a vécu. « Je dormais mal, j’avais des images qui me revenaient en tête, je pleurais beaucoup, j’appelais mes amis en pleine nuit pour être rassurée. J’étais mal dans ma peau, dépassée par ce sentiment. » Naviguant entre Beaune et Dijon pour des raisons professionnelles, elle prend rendez-vous avec une association de victimes pour bénéficier d’un entretien avec une psychologue. « Je suis tombée de haut. J’y allais pour trouver une écoute et de l’aide mais ça n’a pas été le cas. Je crois que la personne qui m’a reçue n’était pas formée aux agressions sexuelles! » Nathalie liste alors les clichés auxquels elle a dû faire face pendant l’entretien. « Que portiez-vous ? Vous sortiez d’une longue relation, c’était peut-être un peu rapide pour rencontrer quelqu’un ? Vous savez bien pourtant qu’il ne faut pas ouvrir sa porte à un inconnu… » De cette séance, Nathalie ressort effondrée, plus culpabilisée que jamais. Heureusement dirigée par une amie vers une autre association, Solidarité Femmes, elle bénéficie d’un accompagnement psychologique gratuit. « J’ai vu une psychologue fabuleuse, qui m’a aidée. J’ai raconté mon vécu et j’ai compris que le seul coupable, c’était lui. À partir du moment où j’avais répété plusieurs fois que je ne voulais pas, que l’on se connaisse bien ou qu’on vienne de se rencontrer, ça ne change rien. Mon NON aurait dû être entendu ! » Pendant plusieurs mois, Nathalie profite de ses trajets à Dijon pour se reconstruire avec l’aide de Solidarité Femmes. Le travail porte ses fruits, la Beaunoise va de l’avant mais ne sent pas suffisamment en confiance pour renouer éventuellement avec un homme. « Je me remémorais encore des scènes, des moments de sexe qui me donnaient envie de vomir. » Encouragée à faire appel aux services d’une psyschologue-sexologue, elle se tourne vers Sonia Bahout. Nathalie se montre d’abord dubitative quand cette dernière lui suggère d’avoir recours à l’hypnose. « Je n’y croyais pas vraiment mais, plutôt curieuse de nature, j’ai accepté d’essayer et ça a marché. » En faisant appel à l’inconscient, Sonia Bahout a guidé Nathalie vers une nouvelle estime d’elle-même et lui a rendu sa capacité à faire confiance à son corps. « Je ne saurais pas expliquer comment elle a réussi, c’est un travail de fond mais j’ai dépassé mon agression, je n’ai plus ces images dans la tête quand je suis avec mon nouvel ami. » En couple depuis plusieurs mois, Nathalie a retrouvé une sérénité de corps et d’esprit. « Mon compagnon sait ce qui m’est arrivé. Il a été bienveillant, attentif, il a su me mettre en confiance. Il y a des enfoirés partout, je ne l’oublie pas, mais heureusement, j’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un de bien qui m’a aidé à me relever. Avec la psychologue-sexologue, il a été essentiel dans ma guérison. » La quarantenaire sait qu’elle n’oubliera jamais. Sa triste expérience fait désormais partie d’elle. Malgré son viol, elle veut avancer et se réjouit d’avoir trouvé le soutien nécessaire pour y arriver. « Malheureusement, d’autres femmes vivront ce que j’ai vécu. J’espère qu’elles trouveront aussi les bonnes personnes, qu’elles oseront demander de l’aide ou trouver la démarche qui leur convient et auront la force d’avancer. Je voudrais leur dire que ce n’est pas à elles de supporter la honte d’une agression mais bien à l’agresseur. »
CE QUE DIT LA LOI
L’auteur d’un viol risque en principe 15 ans de prison, et une peine maximale de 20 ans en cas de circonstances aggravantes. La loi Schiappa du 5 août 2018 renforce la définition du viol de l’article 222-23 du Code pénal, en prévoyant que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur, par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol ».
QUELQUES CHIFFRES
À la suite de l’affaire Weinstein et du mouvement #MeToo, les victimes osent se faire connaître. Le nombre de plaintes pour violences sexuelles augmente. Pour autant, cette démarche légale reste encore marginale.
- Chaque année en France métropolitaine, un peu plus de 220 000 personnes âgées de 18 à 75 ans – soit environ 0,5 % de la population – déclarent avoir été victimes de violences sexuelles (viols, tentatives de viols et attouchements sexuels)
- Plus de 80 % d’entre elles sont des femmes
- 35 % ont entre 18 et 29 ans
- Plus de trois victimes sur dix vivent sous le même toit que leur agresseur
- 8 % seulement des victimes portent plainte (source : ministère de l’Intérieur)
L’auteur n’est condamné que dans 23 % des cas alors qu’il ne reçoit aucune sanction dans 58 % des plaintes (source : fondation Jaurès)
Sonia Bahouth
Psychologue-sexologue (Ph.D)
« Regarde ta peur dans les yeux. Quand tu as touché le fond, tu ne peux descendre plus bas, tu ne peux que remonter. » Norman-Vincent Peale.
Lorsque Nathalie est venue consulter, elle avait été victime d’un traumatisme, une agression sexuelle ignorée comme telle. Mais les symptômes post-traumatiques furent le message. L’immobilité l’ayant emporté durant ce moment traumatisant, Nathalie s’est trouvée figée et impuissante, comme si son corps ne lui appartenait plus. Elle a laissé faire… Cette réponse inachevée a entraîné une anxiété post-traumatique, une colère implosée et une difficulté à éprouver à nouveau désir et plaisir. Elle revivait son agression dans un état de dissociation en se visualisant en dehors de son corps. Ce qui rendait son « abandon amoureux » impossible.
La dissociation thérapeutique induite en état d’hypnose a permis dès lors de faire émerger les souvenirs perturbants, de survivre au traumatisme, de vivre la colère pour sortir du figement et amorcer le changement. Car l’hypnose se pratique « avec » le patient et non « sur » le patient, avec ce sentiment chez lui d’avoir fait le travail tout seul. Le travail de reconstruction de son soi et de réappropriation de son corps afin que cesse enfin cette angoisse de l’effraction pour reconnecter avec ses sensations. L’hypnose nourrit l’espérance car, dans cette dimension intersubjective, le thérapeute cherche la résilience : les ressources « soupçonnées et insoupçonnées » qui aideront son patient en souffrance à se relever.
Solidarité Femmes 21
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